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INTERVIEW d’ Arthur Guérin-Boëri : sa saison 2016, ses projets


Arthur et Mateusz (photo L. de Beaucaron)

[photo de couverture : Daan Verhoeven]

Indiscutablement, Arthur Guérin-Boëri aura marqué cette année 2016 en devenant le premier apnéiste au monde à toucher le mur des 300m DYN. France Apnée a choisi de revenir  avec lui sur ce fantastique  record mais également sur  la deuxième partie de sa saison avec notamment les raisons de son échec aux mondiaux AIDA, son titre mondial au Jump Blue CMAS ou encore sur sa première perf en profondeur au mondiaux outdoor de Kas en Turquie. Nous avons aussi interrogé Arthur sur sa professionnalisation dans le milieu de l’apnée et sur ses projets.

Une grande interview, pleine d’enseignement, d’un athlète hors-norme qui nous accorde sa confiance depuis sa première saison d’apnée sportive. Bonne lecture …

Arthur par Stefano Borghi Cartier

Arthur par Stefano Borghi Cartier

FRANCE APNEE :

Arthur, Avant de revenir sur la deuxième partie de ta saison, nous souhaiterions revenir sur le temps fort de cette année, pour ne pas dire un des moments historiques de l’apnée sportive, c’est bien évidemment ton 300m DYN de Lignano. Nous t’avions interviewé peu après ta perf (une interview lue plus de 30 000 fois sur notre site !) mais, aujourd’hui, quatre mois après ce record est-ce que tu réalises un peu plus ce que tu as accompli ? Qu’est-ce qui a changé pour toi depuis ce record du monde historique ?

ARTHUR GUERIN-BOERI :

C’est toujours une grande satisfaction d’avoir touché ce mur à 300m. Les moments vécus lors de ces championnats étaient intenses, autant pour moi en effet avec cette perf et le dnf, que pour mes camarades tout au long de la semaine. J’ai pleinement réalisé ce qui avait été fait ce jour la oui. C’est un très beau moment dans ma carrière, sans doute le plus intense, avec mon 1er titre à Kazan. Ca restera gravé dans ma mémoire.

La conséquence directe de ce 300m est mon passage en professionnel. Je me bats depuis 2013 pour faire avancer la professionnalisation de notre sport, c’est un chemin de croix, mais ce record du monde sur ce chiffre rond et le buzz qui va avec ont nettement amélioré les choses. J’espère ouvrir la voie à une professionnalisation de l’apnée à long terme et pour le plus grand nombre.

J’utilisais déjà les produits Epsealon avant qu’il n’y ait une quelconque idée de partenariat. Et ça a toute son importance. C’est mon utilisation de leur matériel car je trouve qu’il est au top, qui a amené le partenariat, et non l’inverse. Ce n’est pas parce que j’ai signé avec eux que j’utilise maintenant leur matériel.

L’Abyss qu’ils ont développé en partenariat avec Jeff Coulais est une vraie merveille. Epsealon est une marque jeune dans le développement de produits purement apnée, mais qui accuse une énorme expérience en matériel de chasse. Je vais travailler à fond dans le développement de produits avec eux. Pour tenter d’étoffer au maximum l’offre de produits purement orientés apnée, piscine et mer, loisir et compétition.Il y a de beaux projets dans les tiroirs.

FRANCE APNEE :

Lorsqu’on connait tes perf, tes temps d’apnée en nageant, on ne peut s’empêcher de se dire « ce mec il a quelque chose que les autres n’auront jamais même en s’entraînant tous les jours! ». En 2013 pour ta première saison de compétition tu t’offres un titre de champion du monde de DNF avec 200m en 4’… entre temps tu te forges un physique d’athlète que tu n’avais pas forcément au départ et trois ans plus tard tu deviens le premier au monde à nager 300m DYN ! Arthur quel est ton secret ? Est-ce que la science ou la médecine s’est intéressée à ton cas ?

ARTHUR GUERIN-BOERI :

Peu de choses. Mon pneumo et mon médecin du sport sont tout contents de me faire passer tout plein d’examens quand je vais chez eux. J’ai un projet d’étude et de mesures médicales avec un cardiologue et un pneumologue dans la région d’Avignon. Mais uniquement sur la mesure de la VO2 Max. Pas de proposition d’étude médicale ou scientifique sur l’hypoxie, ni sur les réflexes d’immersion, ni sur l’activité cérébrale, etc. il y aurait pleins de choses à faire.

Néanmoins je reçois régulièrement des interview de la part de lycéens qui réalisent des travaux sur l’apnée, il y a aussi une étudiante psy en Suisse qui me suit régulièrement par l’intermédiaire de questions dans le cadre de sa thèse sur le dépassement mental, et un ostéopathe qui produit un travail sur l’impact des manipulations ostéopathiques sur les temps d’apnée dans le cadre de ses études. C’est à peu près tout en ce moment.

Il n’y a, je crois, pas de secret. J’avais surement ces capacités à nager longtemps dès 2013, mais je n’avais pas l’entrainement pour les exploiter. Le physique c’est du fignolage. Je reste persuadé que notre sport est essentiellement mental. La préparation physique commence à jouer son rôle au delà de 230m DYN, notamment pour avoir les cannes qui tiennent le coup.

C’est une symbiose entre une grosse dose de conditionnement mental et une dose modérée de préparation physique qui nous fait aller loin. Attention la prépa physique est indispensable à partir d’un certain niveau. Mais on peut je pense déjà exploiter grandement ses capacités en se préparant mentalement de la manière adéquate et en soignant sa nage.

salle de musculation du centre aquatique d'Alforville

salle de musculation du centre aquatique d’Alforville

 ►FRANCE APNEE :

Tu es le premier à avoir nagé 300m DYN et c’était sur le circuit CMAS mais un peu plus de deux semaines après George Panagiotakis et Mateusz Malina ont également nagé 300m et c’était aux mondiaux AIDA où tu étais présent. Penses-tu avoir influencé leur volonté d’aller à 300m ? En as-tu discuté avec eux ?

ARTHUR GUERIN-BOERI :

Je n’en ai pas trop discuté avec eux. Mais je sais que le 300m a influencé leur perf oui. Si j’avais fais 302m, ils auraient surement tourné. Malina et Panagiotakis étaient de toutes façons très déterminés pour y arriver. Au delà de 200m, il faut être très déterminé pour continuer.

3x300-2016

FRANCE APNEE :

Cette année tu étais engagé sur le circuit fédéral mais aussi pour la première fois sur le circuit AIDA. Cela t’as permis de te qualifier au mondiaux AIDA en Finlande pour nager le DNF. Malheureusement lors des qualif tu sors à 149m. Tu ne t’es pas encore exprimé sur cette contre-perf … Que s’est-il passé ? On peut rappeler que quelques semaines plus tôt à Lignano tu avais nagé 221m DNF en 4’50 en bassin de 50; tu étais donc « hypoxiquement » au top.

ARTHUR GUERIN-BOERI :

J’étais super déterminé pour Turku, et c’est une énorme déception. Je ne comprenais pas pourquoi j’étais aussi faible et fatigué en Finlande. J’allais faire des siestes après le petit dèj je me souviens. Je me disais que ça devait être les journées de 22h d’ensoleillement. Sur ma perf je me suis senti super mal, mais aussi pendant la prépa. Tête qui tourne, picotements etc. Les apnées d’échauffement passaient vraiment bien, mais je me sentais mal. Dans l’eau, tout se passe comme prévu jusqu’à 100m. Puis tout dégringole. Je me suis senti vraiment hyper faible d’un coup. Avec des picotements de partout et des douleurs au niveau du sternum. J’ai préféré sortir. Tout de suite après la plongée, j’ai commencé à ressentir des douleurs au sternum, qui ne m’ont pas lâché pendant plusieurs jours. Ca ne m’avait jamais fait ça. C’était clairement inflammatoire. Une réaction inflammatoire face au stress thoracique généré par le sur-gonflage et la mise sous pression de la zone thoracique, le tout sur un terrain infectieux. Aussi , dans l’eau j’avais beaucoup de mal à faire passer mes oreilles. L’impression d’être encombré. J’étais toujours très faible, et de retour à Paris je me suis tout simplement fait diagnostiquer un belle infection ORL. Sinus principalement. J’ai chopé ça dans la piscine de Lignano quelques semaines plus tôt, qui était vraiment dégueux. Je me suis d’ailleurs trainé cette infection tout l’été. Et ça m’a beaucoup gêné dans mon entrainement en profondeur. Ca a surtout planté mes 1ers mondiaux indoor AIDA. Ce n’était donc pas une mauvaise prépa ni un craquage mental. Les deux peuvent m’arriver, mais si c’est le cas je sors à 100m en DNF. Si je vais plus loin c’est que le mental est bon.

FRANCE APNEE :

A Turku nous avons assisté à l’avènement d’un champion exceptionnel qui, comme toi, fait partie de la classe extra-terrestre : Mateusz Malina. Le polonais a en effet nagé en finale du DNF 244m et le lendemain en finale du DYN 300m. Nous avons assisté aussi à une fin de règne, celle de Goran Colak, athlète qu’on a longtemps imaginé être le premier à 300m. Comment as-tu vécu tout cela ? As-tu partagé des secrets d’entraînement avec les champions  présents en Finlande ?

ARTHUR :

On s’entend très bien, on discute de pas mal de choses, on échange un peu sur nos entrainements, sans trop en dire non plus haha. Je pense par ailleurs que Goran n’a pas dit son dernier mot. Il ne quittera pas la piscine sur une note négative comme ça.

Mateusz est un très grand apnéiste, son enchainement de perf est énorme. C’est clairement un avantage. Je ne peux pas enchainer autant en une semaine. Si je pars en championnat AIDA je ne peux pas m’aligner sur les 3 épreuves, ça m’entamerait trop. Car il y a qualifs et finales en AIDA. Ca fait beaucoup trop. A mon sens la décision de la CMAS d’enlever les phases de qualif est très bonne. C’est un sport qui sollicite énormément mentalement et physiquement, et se concentrer uniquement sur un one shot permet aux athlètes de donner vraiment le meilleur d’eux-même. On verrait plus de jolies perfs et de véritables max perso avec ce système plutôt qu’en faisant enchainer 6 perfs sur une semaine aux athlètes avec qualifs et finales.

Arthur et Mateusz (photo L. de Beaucaron)

Arthur et Mateusz (photo L. de Beaucaron)

FRANCE APNEE :

Après un passage par la case sélection, tu as obtenu ta qualification en équipe de France FFESSM pour l’épreuve du Jump Blue des  mondiaux d’eau libre CMAS. Hormis ce week-end sélectif en Alsace, combien de fois t’es tu entraîné au Jump Blue cette année ? Est-ce que cette épreuve demande une préparation spécifique ou pas ?

►ARTHUR :

Nous nous sommes entrainés seulement 2 fois cette année avant les mondiaux. A chaque fois à la Gravière du Fort (un endroit magnifique au passage). C’est peu mais une session d’entrainement Jump Blue demande énormément de logistique autour des athlètes. A savoir au moins 5 apnéistes de sécu, 2 ou 3 juges, un plongeur bouteille minimum…. bref c’est très lourd. Ca ne s’organise pas au dernier moment. Le jump blue demande une petite adaptation à la profondeur pour subir le moins possible l’impact des -10m. Et surtout beaucoup de DYN en piscine. En petit bassin c’est bien, car ça nous oblige à faire plein de virages.

FRANCE APNEE :

En Turquie aux mondiaux CMAS, tu parviens à garder ton titre avec quasiment la même perf que l’an passé. Peux-tu nous raconter tes 200.95m ? A 10m il y a une pression partielle d’O2 deux fois plus importante qu’en surface; comment gère-t-on cet aspect grisant de ce genre d’apnée ?

►ARTHUR :

Oui le 1bar de pression fausse pas mal les sensations. On a très vite les jambes lourdes, l’envie de respirer arrive assez vite étonnamment, surtout que les repères ne sont pas les mêmes qu’en bassin. Ca tourne assez vite et les signes d’hypoxie arrivent fort et subitement. C’est très lactique.

A Kas, malgré le cadre je pense que les conditions n’étaient pas au top. Non pas qu’il y ait des vagues ou du courant, mais un phénomène assez étrange se produit près de la côte à cet endroit : des sources d’eau douce et très fraiche descendent de la montagne et se jètent dans la mer. Nous avons donc un couche d’eau froide en surface, qui augmente subitement en température après 2m de profondeur. En théorie, c’est complètement l’inverse de ce que l’on recherche. Le jour de la perf en Jump Blue précisément, nous avons cuit sur le bateau au soleil pendant 2h, donc assez vasodilatés à cause de la chaleur, puis nous nous glissons dans une eau fraiche pour attendre notre heure de passage pendant environ 10-15 min, donc légère vaso constriction, puis au moment de partir, pendant la descente, passage dans une eau chaude, donc vasodilatation à nouveau, et pour finir, à la fin de la perf, à la remontée, passage dans une eau fraiche donc re-vasoconstriction. Un yoyo à l’inverse de ce que nous recherchons. Et une eau trop chaude pour nager longtemps et déclencher de bons réflexes. C’est à mon sens la raison pour laquelle il y eut tant de BO cette année. Au delà du fait que c’est une discipline relativement accidentogène en temps normal, ça a été encore aggravé par ces conditions. Personnellement ça a été très dur, une des plongées les plus dures de ma courte carrière , tant au niveau musculaire, que sur l’envie de respirer, que sur l’hypoxie. Sur la fin je pensais vraiment aller à l’accident.C’est la raison de ma sortie précipitée à 200m, je ne pouvais pas du tout aller plus loin, alors que j’avais encore une certaine marge l’année passée à Ischia.

FRANCE APNEE :

Peu de participants sur le Jump Blue, une médaille de bronze à 112m… Penses-tu que cette discipline ait encore sa place sur des mondiaux alors que désormais la CMAS a démontré qu’elle savait organiser un championnat en profondeur digne de ce nom ?

►ARTHUR :

J’en ai discuté avec Mme Arzhanova qui m’a demandé mon avis sur la question du maintien de cette épreuve sur de futurs championnats. En toute transparence, j’ai répondu que je pensais qu’il peut être maintenu, à condition d’avoir à minima 10 pays alignés, une température d’eau adéquate, et un système d’annonce comme en profondeur, avec interdiction d’aller plus loin, et un barème de pénalités si on sort plus tôt.

FRANCE APNEE :

Sur ces mondiaux CMAS outdoor, tu t’es aligné sur l’épreuve de CNF ! Avec -55m c’était  la première fois que tu validais une perf en profondeur en compétition. Pas mal pour une première ! Peux-tu nous commenter ta plongée ?

►ARTHUR :

C’était une plongée plaisir et confort. C’était la première fois que je descendais en compétition et mon protocole d’échauffement n’est pas encore au poil. C’est 10m de moins que ce que j’ai fait à Nice en août à l’entrainement. Donc vraiment à l’aise et dans la détente du début à la fin. Cette annonce a été décidée de concert avec le staff de l’Equipe de France, Thomas Bouchard qui a suivi mon entrainement à Nice durant l’été, et Rémy Dubern qui m’a aussi apporté ses conseils de dernière minute.

VIDEO : Arthur à 1h40 dans la vidéo

FRANCE APNEE :

Est-ce que cette participation au CNF était prévue ou as-tu saisi l’opportunité au dernier moment pour te tester ?

►ARTHUR :

La participation était prévue avant le départ, même si l’objectif principal était le Jump.

FRANCE APNEE :

55m en poids constant sans palme, même « l’Homme des 300m » a dû se préparer spécifiquement car la profondeur c’est l’école de la patience… Comment t’es-tu préparé ?

►ARTHUR :

Je me suis préparé durant l’été dans ma ville natale, Nice, où réside une grande partie de ma famille. J’étais au CIPA où je me suis licencié AIDA sur la saison 2015-2016. J’en profite donc pour remercier Aurore Asso et Thomas Bouchard, qui se sont penchés sur ma progression en profondeur durant tout l’été. Il est très intéressant de pouvoir profiter des conseils de l’Ecole Niçoise. En échange de quelques tips sur l’hypoxie en piscine. Echange de bons procédés. Je reste en tout cas très humble devant leur expérience, en me rends compte que le chemin de la profondeur est long.

l'équipe de France outdoor 2016 (photo R. Dubern)

l’équipe de France outdoor 2016 (photo R. Dubern)

FRANCE APNEE :

As-tu envie de poursuivre l’aventure en profondeur plus sérieusement voir très sérieusement ? Lorsqu’on connait tes qualités d’apnéiste on peut se dire qu’il y a une belle page à écrire dans ton parcours d’apnéiste; n’est-ce pas ?

►ARTHUR :

C’est l’idée. Je prévois dorénavant de passer 4 à 5 mois par an à Nice, à la belle saison, pour progresser en profondeur, de Mai à Octobre, et de m’entrainer à Paris avec mon équipe sur la saison piscine d’Octobre à Mai. L’idée étant de descendre à Nice régulièrement à partir des beaux jours, et à plein temps après les championnats de France. En gardant une à deux séances piscine par semaine pour maintenir l’hypoxie et le travail lactique à l’horizontale, tous deux très importants selon moi pour la progression en profondeur. De profiter des conseils des profondistes niçois, tout en continuant à suivre l’entrainement estival des mes coachs Guillaume Lescure pour l’apnée indoor et Enguerrand Aucher pour la Préparation Physique Générale.

FRANCE APNEE :

On t’a vu récemment aligné à Montreuil en Coupe de France où tu as nagé 250m DYN. Pourquoi un retour si tôt sur le circuit après cette grosse saison 2016 ? As-tu besoin de te rassurer régulièrement sur ton état de forme pour avancer vers tes nouveaux objectifs ? Un mot sur ce 250m DYN ?

►ARTHUR :

Non c’est simplement que la compète à lieu à 5min de chez moi à pieds c’est donc trop tentant ! Car effectivement sinon c’est un peu tôt. Ce n’est pas pour me rassurer spécialement. En revanche pour valider les minimas Championnats de France tôt dans la saison pour être tranquille ensuite. Je suis arrivé fatigué sur cette compète, et j’ai préféré garder le peu de fraîcheur pour les dyns. J’ai donc déclaré forfait pour le Statique. Le temps de me reposer pour envoyer des gros dynamiques. Le 250m est réalisé sans aucun problème si ce n’est des alertes un peu précoces. Des signes d’hypoxie très marqués. C’est la fatigue. Musculairement assez difficile mais sans plus. La sortie est très fraiche. Par contre il m’a bien entamé, j’ai donc réalisé tout juste mon annonce au DNF avant de sortir. Je n’ai pas voulu forcer.

FRANCE APNEE :

As-tu encore des rêves chlorés ? 250m en dynamique sans palme, tu y penses ?

►ARTHUR :

L’objectif final de cette saison reste le virage à 300m et , à minima, un record du Monde CMAS DNF petit bassin (200m), si l’occasion se présente. Avec virage à 225m en voyant ce qui sort derrière. A ce propos, je vais bientôt officiellement demander à ce que soit étudié un rapprochement CMAS / FFESSM pour une harmonisation des protocoles de sortie. Il n’est je crois plus possible de continuer de cette manière. Chaque année des records du Monde tombent en championnat national, mais ne peuvent être reconnus comme records du Monde pour cause de différence entre les protocoles principalement. Notre sport est assez peu médiatisé pour lui mettre encore plus de bâtons dans les roues. Il faut que les protocoles de sortie et de départ soit harmonisés, à minima entre la CMAS et les différents organismes fédéraux des pays membres. Pour le reste on verra plus tard. Mais ça serait un bon début. C’est comme ça dans tous les sports. Sauf chez nous. Pour plus de cohérence, une meilleure compréhension de la part du public, des médias, pour une reconnaissance du travail des athlètes et de leurs équipes sur le travail d’entrainement réalisé sur l’année, et tout simplement pour une reconnaissance de leur perf réalisée sur le moment ! Pour les journalistes et le public, pour une raison obscure dont personne ne parle vraiment, le record du Monde officiel grand bassin est aujourd’hui à 189m (bravo à mon camarade Olivier Elu), et le record de France à 207m. L’année dernière le record du Monde officiel grand bassin était à 182m, et le record de France à 200m (détenu par Alexis Duvivier notamment). Bref c’est juste aberrant. C’est très bien d’être officiellement membre de la CMAS, mais alors qu’on ait la possibilité de battre des record du Monde CMAS en championnat national ! Ca paraît juste complètement logique.

En revanche dans l’autre sens, lorsqu’un record du Monde tombe lors d’un championnat du Monde et qu’il est supérieur au record de France officiel, il devient alors le record de France officiel. Bref ça marche dans un sens ( quand le record effectué en championnat du monde ou d’Europe est supérieur à celui effectué en championnat national) mais pas dans l’autre. Pitié qu’ils s’arrangent comme ils le souhaitent, mais que cela soit plus facile à comprendre et plus cohérent.

Arthur Guérin-Boeri a dans la tête ce record de DNF de 2011... celui de Fred Sessa avec 207m en bassin de 50.

FRANCE APNEE :

Arthur, depuis plus d’un an maintenant tu as fait le choix de te consacrer à 100% pour l’apnée. Tu nous avais déjà fait part de ta volonté d’être un professionnel de l’apnée. Comment cela se passe-t-il ? Est-ce difficile ou est-ce que la bascule entre ton ancien job et l’apnée s’est faite naturellement ?

►ARTHUR :

Ca n’a pas été facile, mais ça va de mieux en mieux. Les projets à venir, notamment avec Mercedes-Benz, pourraient m’aider. Je travaille beaucoup avec Quad & Fighting Fish Production, et ils sont sur le pont pour faire avancer les choses, niveau communication visuelle et brand content.

La signature avec Epsealon Freediving fait partie de ces avancées. Les projets que nous aimerions développer sont multiples et variées. C’est très stimulant.

Tout cela n’est qu’un début, l’apnée reste trop nichée et j’espère arriver à la démocratiser de plus en plus, médiatiquement et donc auprès du grand public.

Ma situation d’apnéiste professionnel est encore assez incertaine mais je reste confiant en l’avenir.

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FRANCE APNEE :

Déjà quatre saisons à haut niveaux au compteur, est-ce que tu penses déjà à l’après compétition ? As-tu des projets liés à l’apnée en dehors de l’aspect performance ?

►ARTHUR :

J’ai quelques idées bien sûr même si pour le moment je reste focus sur la performance, et la progression en profondeur. Tout est question de légitimité et de maturité. C’est indispensable pour la transmission je pense. J’ai des projets à plus ou moins long terme, notamment avec mon camarade de bassin, membre de l’Equipe de France, Thibault Hugon, mais aussi avec Jeff Coulais, le créateur de l’Abyss d’Epsealon, et Audrey Palma. Entre autres.

La sortie du bouquin en Avril 2017. Un ouvrage de vulgarisation de l’apnée, de démocratisation, orienté bien-être et apnée indoor.

FRANCE APNEE :

Quand Arthur Guérin-Boëri ne fait pas d’apnée il fait quoi ? As-tu le temps de cultiver d’autres passions ? On connait ton intérêt pour l’univers automobile; est-ce qu’avec ton partenaire (Mercedes-Benz pour ne pas citer la marque) tu as des projets ?

►ARTHUR :

En dehors de l’apnée, et de tout ce qui va avec, je passe beaucoup de temps sur mes guitares, une Vantage electro-acoustique que j’ai depuis mes 11 ans, et une Fender Strat Deluxe mexicaine de très bonne facture, qui chante sur un ampli Vox.

Il se pourrait que des projets voient le jour avec Mercedes-Benz. Je ne peux évidemment pas trop en parler tant que rien n’est confirmé. Ca sera dévoilé en temps voulu.

FRANCE APNEE :

Dernières questions : quel est ton meilleur souvenir de ton incroyable saison 2016 (un instant très précis) ? En dehors de ton propre parcours, qu’est-ce qui t’as le plus marqué ou impressionné cette année dans le monde l’apnée ?

►ARTHUR :

Mes plongées profondes CNF au large de Villefranche, sont ce qui restera le plus ancré dans ma mémoire pour cette saison 2016.

Ce qui m’a le plus marqué cette année c’est l’organisation des mondiaux à Kas qui était sincèrement irréprochable. Les conditions pour la profondeur, la couverture vidéo par Diveye et la retransmission en live, la sécurité, les treuils motorisés pour les câbles, l’accueil, le lieu en lui-même, l’investissement de la CMAS dans le bon déroulement de l’événement. C’était vraiment top.

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FRANCE APNEE :

Le mot de la fin en guise de conclusion…

►ARTHUR :

Tous unis sous le même drapeau pour faire nos perfs.

►FRANCE APNEE : Merci Arthur, bravo pour cette mémorable saison et à bientôt sur France Apnée

Propos recueillis par Nicolas Proquin pour France Apnée magazine (décembre 2016)