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Arthur Guérin-Boëri, 2015 ou la confirmation d’un champion d’exception


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En 2013 Arthur Guérin-Boéri était la grande révélation du circuit fédéral et CMAS. Il avait fini sa première saison de compétition par un titre de champion du monde en apnée dynamique sans palme à Kazan. La saison suivante il chaussait une monopalme pour la première fois et concluait 2014 avec un 225m DYN aux championnats d ‘Europe CMAS. Pourtant cette seconde saison fut parsemée d’embuches et ne fut pas à la hauteur des ambitions du champion parisien. Mais 2015 a confirmé qu’Arthur était un apnéiste hors catégorie et que ses premiers succès ne devaient rien à la chance ou au hasard. Cette année celui qu’ Apnéa avait appelé « le Roi Arthur » est devenu champion de France avec plus de 600 points (une première). A l’international il a conservé son titre de champion du monde de dynamique sans palme à Mulhouse. Et comme rien ne l’arrête, Arthur conclue 2015 avec un titre de champion du monde au Jump Blue.
Dans ce long entretien, Arthur est revenu avec nous sur cette incroyable saison 2015. Il a évoqué également  ses projets comme celui de devenir un professionnel de l’apnée ou encore sa volonté d’intégrer le circuit AIDA en 2016.
En trois saisons Arthur Guérin-Boéri s’est forgé un solide palmarès; pourtant l’histoire de ce champion d’exception ne fait que commencer…

 

►FRANCE APNEE : Pour nos lecteurs qui nous ont rejoint il y a peu, Arthur peux-tu te présenter rapidement ?
► ARTHUR GUERIN-BOERI : Arthur GUERIN–BOERI, 31 ans , 1m97, 93kg, Montreuil (93). Je suis un apnéiste sur la longue route semée d’embuches du statut pro. J’étais jusqu’à présent chauffeur de maîtres. J’ai une formation d’ingénieur du son.

 

►FRANCE APNEE : 2013 la révélation, 2014 la transition, 2015 la confirmation. Peut-on résumer les 3 dernières saisons de la sorte ?
►A.G.B : Oui, on peut les résumer de la sorte. 2013; tout est allé très vite en réalité. J’ai découvert mon potentiel en même temps que mon entourage au fur et à mesure de la saison de compétition, pour obtenir l’or à Kazan en fin de saison (NDLR : 200m DNF). C’était un potentiel qui était surement présent mais que je n’exploitais pas durant mon année d’initiation à l’apnée (saison 2011-1012)

Arthur poing levé après 200 sans palme

Arthur Guerin-Boeri
crédit photo: Eric Flogny

2014; c’est un peu le creux de la vague, oui. Divers événements ne m’ont pas permis d’être dans les meilleures conditions mentales pour faire face aux grosses échéances et atteindre mes objectifs. C’était ma saison de découverte de la monopalme. Puis il y a eu l’incident technique à Chartres avec ma combi juste avant le départ du DYN (NDLR : la combinaison d’Arthur s’était déchirée). C’est le risque d’avoir des combis très serrées ! (Dorénavant, je demande à Marc Parnotte (société TopStar) de mettre une double dose de colle ! ) Enfin, à Tenerife, c’était un championnat d’Europe sans DNF, et il est clair que j’ai plus de chances de médailles dans cette discipline. J’ai tout de même sorti un 225m DYN en fin de saison, ce qui était un record perso.

2015; la confirmation, tout à fait ça ! Même au-delà de mes espérances. Avec quelques déceptions toutefois. Ce qui me donne des objectifs pour la saison à venir.

 
►FRANCE APNEE : On sait qu’en 2014 lors des Europe CMAS ton idée c’était d’aller à 250m DYN. Cette perf tu l’as validée cette année. Une première fois (quasiment) à Montreuil dans un style peu académique puisque tu avais brassé le dernier 25 et la seconde fois c’était aux France avec un 250m solide et bien nagé. Qu’est-ce qui t’a permis de progressé aussi rapidement pour arriver à une distance internationale ? Est-ce que tu as joué essentiellement sur tes qualités intrinsèques ou tu as fait un gros travail technique pour y parvenir ?
►A.G.B : Travail technique d’une part, mais aussi musculaire. Depuis je travaille avec mon coach en prépa physique Enguerrand Aucher. Ce qui a beaucoup changé ma manière de m’entraîner. Beaucoup plus de travail lactique, force et endurance de force. J’ai aussi changé mon ondulation sur les 25 derniers mètres. Elle devient beaucoup plus sinusoïdale sur la fin, avec un mouvement initié par les mains et les bras, puis le reste du corps. Cela me permet, en ralentissant la cadence, de moins faire travailler les quadriceps, qui sont alors proches de la paralysie.

 
►FRANCE APNEE : Si on devait te comparer à champion qui habite à l’autre bout de la Terre ce serait pour nous le Néo-Z Dave Mullins. Vous êtes tous les deux très grands et vous avez un temps d’apnée exceptionnel (ton 200m DNF 2015 en 4’22 » pour mémoire!). Est-ce un avantage physique ?
►A.G.B : Je n’en suis pas certain. Peut être un peu plus d’inertie et un peu plus d’allonge sur la prise d’appui. Dave Mullins est impressionnant sur ses perfs et j’aimerai le rencontrer un jour.
En revanche, ne crains-tu pas que ta lenteur finisse par être un frein à ta progression ? On imagine bien que l’idée pour un athlète de ta classe c’est d’aller toucher le mur des 300…
Je commence à travailler sur mes temps de nage. Notamment en DYN. Sur le Jump à Ischia j’avais une cadence plus rapide que d’habitude. Et je suis resté très bien jusqu’à la fin. Il y a peut-être quelque chose à travailler de ce coté là. Affaire à suivre…
Est-ce que tu y penses à ce mur ? Est-ce une vraie motivation à moyen ou long terme ?
C’est un objectif que je ne me fixe pas pour le moment. C’est 50m de plus que mon PB. C’est énorme. En tout cas cela ne fait pas partie de mes objectifs sur ma prochaine saison. Après l’apnée c’est tellement d’imprévus. L’idée serait déjà de virer à 250m, et de voir ce qui sort derrière. Alexis a frappé vraiment très fort, il y a des chances pour que ce record demeure un certain temps.

 
►FRANCE APNEE : En 2013 Guillaume Bussière était champion de France fédéral, en 2014 c’était Alexis Duvivier et en 2015 c’est toi ! A vous trois vous représentez l’élite française en piscine. La France est sans doute le seul pays au monde à avoir 3 athlètes (actifs) à au moins 250m DYN. On imagine ta fierté d’être le Champion d’une grande nation de l’apnée. Au-delà des perfs, des mètre et/ou des minutes, est-ce que c’était important pour toi d’aller chercher ce titre ?
►A.G.B : Cette journée de championnat à Chartres j’étais vraiment très bien. Prêt autant physiquement que mentalement. Un concours de circonstances idéal pour perfer en apnée. L’enchainement des cycles d’entrainements et de récup se sont enchainés parfaitement pour arriver à un pic de forme au moment des épreuves. Mais surtout mentalement j’étais dispo. Le conditionnement mental reste l’outil principal de notre sport. Beaucoup plus que le physique. C’est une évidence.
Je n’avais jamais été champion de France et donc c’était vraiment une très grande victoire perso, oui. En partie lié aussi au fait que le challenge est énorme. Avec Guillaume (Bussière) et Alexis (Duvivier), le niveau du championnat de France est hallucinant. Équivalent à la crème du niveau mondial.

Arthur Guérin-Boéri, champion de France FFESSM 2015 et premier athlète à atteindre les 600 points

Arthur Guérin-Boéri, champion de France FFESSM 2015 et premier athlète à atteindre les 600 points

►FRANCE APNEE : Deux manches de Coupe de France (Montreuil et Besançon), un Championnat de France et te voilà pour la 3e année consécutive en Equipe de France fédérale avec pour objectif les mondiaux CMAS indoor. Tu commences ce mondial par une médaille d’or en DNF. On sait que cette année tu étais davantage orienté vers la palme, est-ce que conserver ton titre de Kazan en DNF était une priorité sur ce mondial ou était-ce juste une opportunité ?
►A.G.B : Oui c’est un championnat du monde alors c’était un objectif de garder le titre. Mais pas une priorité en réalité. Je continue de me focaliser surtout sur la performance personnelle, et c’est certain que j’aurai aimé, à minima, sortir 201m. Je fais ce sport surtout dans une quête de dépassement personnel. Plus que pour le titre. Même si cela peut donner une motivation supplémentaire sous l’eau, quand, à partir de 175m, on commence à trouver toutes les raisons bonnes pour sortir respirer.

 

►FRANCE APNEE : Aux mondiaux après ton DNF, tu valides 230m en qualif’ du DYN, soit la meilleure perf. Tu sais dès lors que tu partiras en dernier. Est-ce que c’était vraiment une volonté de ta part (de vouloir partir en dernier) ? Quand tu émerges à 230m quel est ton ressenti ? Sens-tu que tu es impacté par ton DNF précédent ? Es-tu confiant pour la finale à ce moment là ?
►A.G.B : J’ai mal calculé mon coup. Je n’aurai pas du partir après Alexis. Je savais qu’il allait jouer très gros. Et surtout en effet je commençais à fatiguer. Troisième énorme perf sur une semaine. Plus le « stress » de la compétition, ça entame. Pas tant physiquement que mentalement en réalité.
Mais je suis resté confiant pour la finale… jusqu’à 150m ! ha ha. D’ou l’impact de la condition mentale en apnée, qui, en tout cas pour moi, est primordiale. Mes alertes et l’envie de respirer arrivent assez tt chez moi ( 50-60m ên DNF et 60-75m en DYN). C’est donc un long effort mental pour arriver au bout. Donc mentalement un enchainement de perfs est très impactant. D’où l’importance d’un repos mental et physique de plusieurs jours avant une échéance.

 

►FRANCE APNEE : Jour J du DYN ! Dans quel état d’esprit es-tu arrivé à la piscine de l’Illberg ce jeudi 30 juillet ?
►A.G.B : Comme d’habitude avant une compète. Relâché, dans ma bulle, concentré sur mon objectif, visualisant en boucle la perf à venir. Alexis et moi nous nous sommes installés côte à côte, comme d’hab. Concentration. Puis échanges, rigolades avec Brice (Lequette), la routine quoi.

Derniers instants de concentrations pour Arthur Guérin-Boéri avant sa performance en DYN.

Derniers instants de concentrations pour Arthur Guérin-Boéri

►FRANCE APNEE : A l’avant-dernier passage, Alexis Duvivier sort à 294m soit tout près du mur des 300m qui est aussi « le mur départ » ! Quel séisme alors que tu t’apprêtes à faire ta perf ! Comment as-tu vécu sur le moment émotionnellement la perf’ d’Alexis ? Qu’est-ce qui se passe dans ta tête à ce moment là ?
►A.G.B : On ne sait pas trop ce qui se passe à ce moment la. Tellement concentré et dans sa bulle. Mais au final ça impacte de toute façon. On est là pour faire son maximum, il a joué le jeu, normal. Rien à dire, c’est beau. On s’est croisé au moment de me mettre à l’eau quand il en sortait. Petite tape sur l’épaule. Je ne sais pas ce que j’aurais sorti si je n’avais pas été au courant de la perf d’Alexis. Mais possiblement la même chose. J’étais au bout physiquement et mentalement. J’ai craqué. Comme ça m’est déjà arrivé par le passé. Ca tient à tellement peu de chose pour moi sous l’eau. D’autres sont plus solides je le reconnais.
Quant aux détracteurs qui pourraient dire que j’aurais quand même pu aller jusqu’à 250m, pour un athlète de mon niveau en championnat du Monde : « merde ! » Quand même ! Je les invite à tenter l’expérience.
C’est un Mondial légèrement en-deçà de mes max perso, mais j’ai réalisé une saison dont je suis très satisfait.
Et personnellement le défi de la saison reste les championnats de France. La plus belle compétition de ma courte carrière.

 

►FRANCE APNEE : Finalement tu « contre-perfes » en sortant à 188m. Que sait-il passé sous l’eau ? La performance d’Alexis a-t-elle ruiné ta concentration et ton espoir d’aller au titre en DYN. Il faut aussi rappeler que Vitturini avait nagé 266m.
►A.G.B : Oui comme je l’ai expliqué, j’ai craqué et suis sorti prématurément, du à une fatigue généralisé, mais surtout un manque de ressources mentales. En général je craque autour de 150m DYN et 100m DNF si ça ne passe pas. Si j’ai passé 200m DYN et 150m DNF, c’est que je vais aller au bout. Même les 266m d’Andrea Vitturini étaient un énorme challenge pour moi. Mais franchement il est tellement au top ce type que je suis super content pour lui. Pour les 294m d’Alex, il est clair et net que c’était impossible pour moi de toute façon.

 

►FRANCE APNEE : Finalement tu rentres de ces mondiaux CMAS avec un titre de champion du monde en dynamique sans palme. Tu as fait également coup double avec un record du monde en DNF. Depuis quand la CMAS fait-elle un distinguo entre le bassin de 25 et celui de 50 ? 
►A.G.B : Cela a commencé avec Mulhouse. Malheureusement la validation des records n’est pas rétroactive. Sinon Alexis et moi serions tout deux détenteur du record du Monde grand bassin avec nos 200m

Option glisse pour Arthur (photo : Alex Barnab Voyer)

Option glisse pour Arthur (photo : Alex Barnab Voyer)

►FRANCE APNEE : On aurait pu croire que la saison d’Arthur Guerin Boeri s’arrêterait après ces mondiaux piscine mais dans l’été la FFESSM fait savoir que tu feras partie de l’aventure des 1er Mondiaux outdoor CMAS qui se sont déroulés à Ischia en Italie. C’était un projet que tu avais anticipé ?Comment as-tu obtenu cette qualification ?
►A.G.B : J’ai obtenu cette qualification suite à la performance du Jump Blue que j’ai réalisé à Tenerife en 2014. Ce n’est absolument pas un projet anticipé. Mais j’ai mis à profit l’entrainement profondeur de cet été et ma condition de fin de saison en apnée pour aller le plus loin possible autour du cube.

 

►FRANCE APNEE : Avant les mondiaux d’Ischia on t’a vu t’entraîner en mer pendant un mois à Nice. La profondeur va-t-elle devenir à l’avenir un vrai objectif ou va-t-elle rester de l’apnée plaisir ? Peux-tu nous en dire plus sur ta relation à la mer ?
►A.G.B : Je suis niçois d’origine et je compte bien y retourner le plus souvent possible à l’avenir, et pourquoi pas même m’y installer. J’aimerais beaucoup travailler ma progression en mer avec les conseils et l’expérience des Niçois. Cet été j’ai échangé sur le bateau avec Aurore Asso, Guillaume Néry, Morgan Bourc’his, Vincent Mathieu et Rémy Dubern à l’occasion de certaines sorties. Le partage de leur expérience, plus que bienvenue, m’a été vraiment bénéfique et je les en remercie. Les apnéistes piscine qui arrivent en mer sans expérience peuvent vite se bruler les ailes. En effet notre capacité à rester en apnée et à nager longtemps nous incite et nous pousse à descendre. En réalité il est très important de nous brider pour laisser s’installer la longue adaptation à la profondeur. Le ressenti est totalement différent. A mon niveau, je suis encore seulement limité par l’adaptation de mes poumons à la profondeur, et non pas par l’envie de respirer ou la fatigue musculaire. Donc ça n’est que du plaisir. J’ai donc hâte d’y retourner. J’ai pris cette année une licence au CIPA, que je compte bien utiliser ! En tout cas il est encore inutile de parler de « max perso » en mer pour moi, car pour le moment j’acclimate mon corps, et ne peux pas descendre du fait de l’inadaptation de mes poumons. On va dire que je travaille pour l’instant ma compensation sur -50m.

 

►FRANCE APNEE : As-tu un « profondiste » que tu admires plus particulièrement ? Un modèle vers lequel tendre ?
►A.G.B : J’aime bien l’approche de Rémy Dubern, qui a une grosse expérience en matière de compensation; il sait faire preuve de pédagogie.
Vincent Mathieu m’a beaucoup aidé aussi, tout au long de l’été, on a beaucoup plongé ensemble.
J’admire beaucoup l’aisance de Guillaume en CWT. Voir ce que des années d’adaptation à la profondeur, justement, sont capables de faire sur un être humain.
J’aime aussi ce que fait Morgan (Bourc’His)en CNF. Je sais que cette discipline est particulièrement « entamante ». S’arracher de la surface, arrivé à -20m on est déjà très fatigué. S’arracher du fond… En revanche, je sais pas, j’ai encore jamais essayé ! Ha ha !

 

►FRANCE APNEE : A Ischia pour les mondiaux CMAS tu es aligné sur le Jump Blue (Cube). On rappellera à nos lecteurs qu’il s’agit d’une épreuve hybride exclusivement CMAS où l’athlète doit s’immerger à 10m de profondeur et doit effectuer la plus grande distance autour d’un carré de 15m de côté. Est-ce qu’on peut dire que cette épreuve est parfaitement taillée pour toi ? A quand remonte ta première expérience avec cette épreuve ? Hormis quelques jours de stages en Alsace sur un plan d’eau fédéral, as-tu fait une prépa spécifique ?
►A.G.B : J’ai découvert à Tenerife en 2014. C’est une discipline intéressante en réalité et assez méconnue. Niveau sensation c’est très plaisant. Les virages sont techniques et entamants physiquement. C’est comme faire un gros DYN sur le fond de la mer avec les poissons en prime. J’ai trouvé ça génial. Je n’ai pas fait de prépa spécifique. De la profondeur à Nice et mon bagage d’entrainement de la saison passée. Mais je pense que les athlètes très fort en DYN ont un gros potentiel sur cette épreuve. Si Guillaume Bussière, Alexis Duvivier, ou même Goran Colak (et d’autres) se mettent à essayer sérieusement d’aller loin sur le cube, je pense que les 200m+ sont tout à fait à leur portée. J’en avais personnellement encore sous la pédale. Je suis sorti très frais. A mon avis le niveau n’est pas loin d’être en corrélation avec le niveau piscine. Peut-être « un chouilla » en dessous au vu du nombre de virages, du canard, et du 1 bar de pression supplémentaire.

 

►FRANCE APNEE : Tu étais un des grands favoris sur cette épreuve et tu n’as pas failli puisque tu remportes l’or et bats le record du monde (du français Xavier Delpit) avec 201m. « AGB champion du monde, acte 2 », tu nous racontes ?
►A.G.B : C’est très satisfaisant personnellement. Cette saison est une vraie réussite. 2 titres de champion du monde en une saison, je ne pouvais pas rêver mieux. C’est beau pour le palmarès certes, mais c’était surtout une réussite personnelle.
Xavier passait juste après moi sur le cube. J’avais l’impression de le voir dans ma position à Mulhouse après la sortie d’Alexis (NDLR : quand Alexis a battu le record du monde avec 294m). Je suis allé le voir alors qu’il s’apprêtait à aller à l’eau et j’ai essayé de le motiver pour qu’il ne lâche rien. Ce qu’il a fait, j’en suis donc très content. J’aurai mal vécu qu’il craque, comme j’ai pu le faire à Mulhouse.

Arthur sur le Jump Blue de la Gravière du Fort en Alsace (photo : François Cêtre)

Arthur sur le Jump Blue de la Gravière du Fort en Alsace (photo : François Cêtre)

►FRANCE APNEE : A Ischia tu n’as participé qu’au Jump Blue soit un jour d’épreuve. Le restant du temps tu as pu observer la compétition . Est-ce que cela est formateur ? Qu’est-ce qui t’as le plus impressionné sur ces mondiaux ?
►A.G.B : Ce qui m’a le plus impressionné, c’est que j’avais l’impression d’être dans le Grand Bleu. J’ai trouvé l’ambiance à Ischia très proche de celle qu’on retrouve dans le film, c’était très drôle et très immersif en même temps. L’impression de faire partie de l’aventure. Déjà ça parle italien ! Au niveau des paysages ça se rapproche beaucoup de ce qu’on voit dans le film, la nourriture n’en parlons même pas, la cérémonie d’ouverture…. C’était assez cliché. J’ai trouvé ça très marrant.
Du point de vue de la sécu les organisateurs italiens étaient très au point. Je ne sais pas si l’accident de Guillaume Néry à eu une influence là-dessus. Mais en tout cas c’était irréprochable. Sécu en scooter à -50m. Je n’avais jamais vu ça.

Un mot sur tes collègues de l’équipe ?

►A.G.B : Tous au top. J’étais super content de retrouver Sophie Jacquin que je n’avais pas vue depuis longtemps. J’ai aussi appris à mieux connaître Rémy Dubern et Patrick Poggi. Dont je salue les performances au passage. J’étais dans la chambre avec mes compères et amis Vincent Mathieu, qui m’a beaucoup apporté, et Stéphane Tourreau. Grâce à lui j’ai découvert pas mal de techniques d’adaptation à la profondeur. Je le remercie au passage pour les séances d’étirements et salue aussi ses récentes performances au Mexique (NDLR : la compétition AIDA Big Blue). On a eu comme d’habitude un staff excellent. Arnaud Ponche et Christian Vogler sont des coachs à l’écoute et aussi des passionnés. J’ai apprécié la présence de notre DTN Richard Thomas. Olivia Fricker n’a pas pu être présente mais on s’appelait régulièrement et elle nous suivait de près sur les réseaux sociaux. Je tiens à la remercier pour le boulot qu’elle accompli non sans mal au quotidien pour le développement de notre sport, pour l’Equipe de France, et notamment à l’approche de ce genre d’événement. Tout cela restant évidemment bénévole et basé sur la volonté de faire de personnes passionnées avant tout. Merci donc à tout le staff.

 

►FRANCE APNEE : Arthur, contrairement à certains athlètes, tu n’es pas un professionnel de l’apnée. Comment fais-tu pour concilier apnée à haut niveau et vie professionnelle ? N’est-ce pas de plus en plus compliqué surtout quand on se projette sur deux mondiaux (mer et piscine) ?
►A.G.B : C’est de plus en plus compliqué en effet. Concilier entrainement quotidien et activité professionnelle est devenu en réalité impossible. Depuis un peu plus d’un an j’ai perdu pas mal d’argent à m’entrainer au lieu de travailler. Je n’ai quasiment rien fait coté professionnel cette dernière saison. Ca a payé du côté des performances mais pas du coté compte en banque ! Je suis en train de reconsidérer tout cela. Ce qui est sûr c’est que je ne pourrais pas faire une saison de plus comme cela. Et que très vite je vais me retrouver dans l’impasse. A moins que je ne trouve la solution avant. Et j’y travaille. J’ai déjà des partenaires que je remercie évidemment pour leur aide à savoir TopStar, Finway, Powerfins, Beuchat et l’Ocean Club de Marbella. C’est actuellement un boulot de tous les jours de diversifier et d’étendre mon réseau de partenariats.

 

►FRANCE APNEE : Cette année nous avons vécu une année un peu folle sur le plan de l’apnée sportive puisque 4 championnats du monde ont été organisés ( En AIDA et en CMAS avec mer et piscine). 30 titres champion(ne)s du monde ont été attribués cette année ! Nous avons eu l’impression d’avoir vu dans les médias (notamment non spécialisés) des champions du monde d’apnée « en veux-tu en voilà » Qu’est-ce que cela t’inspires ?
►A.G.B : Je trouve ça dommage car le grand public ne s’y retrouve pas. Cela ne favorise pas la démocratisation de notre sport. Je rêve d’une communauté d’apnéistes unifiée, tous sous le même drapeau. Utopiste diront sûrement certains. Mais c’est à nous athlètes, de porter un message de réconciliation, dans la neutralité, sans prise de parti et en continuant de s’accomplir dans notre sport. Je suis champion du Monde CMAS. Mais la volonté de me diversifier est certaine. En tout cas pour l’instant personne n’y comprend rien. Que ce soit mes proches, les médias, le grand public. Ça décrédibilise, complexifie et minimise l’impact médiatique d’un sport qui a besoin de tout sauf de cela à une heure où il ne demande qu’à se développer.

 

►FRANCE APNEE : Cette année, le Français Vincent Mathieu a fait les mondiaux CMAS (piscine et mer) mais a aussi participé aux mondiaux AIDA outdoor. Patrick Poggi et Stéphane Tourreau ont participé aux mondiaux AIDA et CMAS en mer. Et toi, est-ce que prochainement tu envisagerais de « franchir le Rubicon » pour participer à des Championnats du monde AIDA ?
►A.G.B : Je ne vais pas m’étendre sur le sujet, mais c’est prévu. A mon initiative, je me suis entretenu à plusieurs reprises avec Claude Chapuis, et j’ai pris une licence AIDA cette année pour la première fois.

l'équipe de France fédérale outdoor 2015 (photo : FFESSM)

l’équipe de France fédérale outdoor 2015 (photo : FFESSM)

►FRANCE APNEE : 2015 a été très chargée dans le monde l’apnée (nous aurons l’occasion d’y revenir pour notre retro 2015), qu’est-ce qui t’as le plus marqué ?
►A.G.B : La disparition de Natalia Molchanova. Le 294m d’Alexis Duvivier. Mes six semaines passées dans ma ville natale cet été et les rencontres que j’y ai fait, notamment au CIPA. Mon championnat de France à Chartres. Les sensations pendant mon Jump à Ischia.

 

►FRANCE APNEE : Sais-tu déjà quand feras-tu ton retour à la compétition ? Quelles sont tes projets pour 2016 ?
►A.G.B : Première échéance, Montreuil 13 décembre pour la 1ère manche de coupe de France FFESSM.
En 2016 : Tenter un passage professionnel, déménager au soleil, assurer une bonne saison d’entrainement avec mes coachs, mes collègues de bassin (notamment avec Xavier Delpit qui va peut être nous rejoindre dans la ligne compétition du 94), continuer à m’adapter à la profondeur.

 

Merci Arthur pour ce long entretien et bonne continuation !

Propos recueillis par LHN

Arthur Guérin-Boéri, un athlète d' 1m97 (photo : Nicolas Proquin)

Arthur Guérin-Boéri, un athlète de quasiment 2 mètres (photo : Nicolas Proquin)